La végétalisation de l’assiette wallonne et de son mode de production : notre plus grand défi pour la prochaine législature !

Le paysage politique et sociologique donne la tendance :

  • Le 3 octobre 2018, le Parlement Wallon adopte le Code Wallon du Bien-être animal(1), un texte inédit et ambitieux en faveur du bien-être des animaux.
  • En 2019, le parti DierAnimal réalise le meilleur des scores des micro-partis(2), toutes tendances confondues.
  • Le 24 novembre 2023, le Sénat approuve en séance plénière l’inscription des animaux dans la Constitution Belge(3). Une proposition soutenue par 86 % des Belges.

Ces 3 faits marquants illustrent, à titre d’exemples, l’évolution des perceptions dans la société civile. Le changement des habitudes alimentaires (9% de végétarien.ne.s, 1% de végétalien.ne.s, 9% de flexitarien.ne.s en Wallonie(4) conforte cette évolution, particulièrement rapide et récente au sein de notre Région.

De manière évidente, cette tendance se marque plus fortement chez les jeunes. Une étude réalisée dans 4 pays européens montre que les végétalien.ne.s et végétarien.ne.s sont deux fois plus nombreuses et nombreux dans les tranches d’âge de 18-24 ans et de 25-34 ans que dans les tranches 35-44 ans et 45-54 ans ; il s’agit donc d’une tendance qui préfigure l’avenir. De plus, cette étude montre que de 21% à 39% d’individus déclarent qu’ils et elles pourraient devenir végétarien.ne.s, et ce score monte à 44% chez les plus jeunes (5)!

Par ailleurs, le marché des produits “plant-based” est en croissance forte en Europe(6). En Belgique, entre 2018 et 2020 par exemple, ce marché a fait un bond de 17% en valeur, une tendance encore plus forte chez les discounters (Aldi, Lidl) avec +35% sur cette période. Le grand distributeur Delhaize déclare quant à lui vouloir “déclencher une révolution végétale” en doublant son offre de produits “plant-based” d’ici 2025 (7) !

La question environnementale fait aussi de la végétalisation de notre assiette un enjeu majeur pour les prochaines années :

Le 30 novembre 2023, la Belgique a été condamnée pour son inaction climatique(8). La Wallonie échappe cette fois-ci aux sanctions. Cependant, le risque reste bien présent, notamment si elle ne prend pas des mesures fortes sur la question de la végétalisation de l’assiette wallonne et de son mode de production dans la prochaine législature.

En effet, l’élevage tient une place prédominante dans :

  • le réchauffement climatique, avec les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre). L’agriculture représente au niveau mondial plus de ⅓ des GES, c’est deux fois plus que l’ensemble des transports réunis à l’échelle planétaire (9).
  • la problématique de l’érosion de la biodiversité à l’échelle globale : selon une étude récente, 95% de la biomasse des mammifères et oiseaux terrestres est à présent constituée des humains et de leurs troupeaux(10). Or, la biodiversité est vitale pour la sécurité alimentaire(11).
  • le phénomène d’antibiorésistance en conséquences des antibiotiques utilisés en nombre dans les élevages(12)
  • les risques de zoonose (grippe aviaire, maladie de la vache folle…)
  • l’augmentation du risque de certaines maladies(13) (cancer du côlon, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité ou le diabète de type 2…).

Pourtant, la végétalisation de l’alimentation est encore relativement absente des stratégies et plans de la Région wallonne. Elle n’est en tout cas pas suffisamment présente par rapport aux enjeux climatiques et écologiques, même si la question est bien implicitement présente dans les politiques d’application de ces plans, comme par exemple dans le label cantine durable(14).

Une étude lancée en 2019 par Greenpeace, intitulée “L’avenir de l’élevage en Belgique”, menée conjointement par plusieurs universités belges, prévoyait pourtant 3 scénarios de consommation et de production de produits d’origine animale(15).

Le 3ème scénario, soutenable au regard des défis climatiques, socio-économiques et de souveraineté alimentaire, incite à une réduction de 83% la production de viande en Belgique et à une consommation de produits d’origine animale qui ne dépasse pas 30g par personne et par jour. Ce scénario de transition “T2” prévoit également une baisse des émissions de GES de 58% par rapport à 2015.

Puisque la Wallonie s’est engagée récemment dans son plan de relance (16) à diminuer ses émissions de GES de 55% d’ici 2030 (par rapport à 1990), la végétalisation de l’assiette wallonne et de son mode de production ne sont donc plus vraiment une option.

La végétalisation de l’alimentation s’impose aussi dans le cadre des enjeux d’autonomie et de souveraineté alimentaire.

Le Collège des producteurs renseigne que seulement 17% des fruits et légumes consommés actuellement en Région Wallonne sont produits sur son territoire, et que l’autosuffisance de la Belgique pour ces produits atteint péniblement les 38,8%.

La végétalisation de l’alimentation inclut l’enjeu d’autonomie alimentaire en consommant moins de surfaces agricoles et en orientant les surfaces disponibles directement pour la consommation humaine, et non celle du bétail (lorsque la nourriture de celui-ci n’est pas importée).

Selon une étude récente de l’Université d’Oxford, les surfaces nécessaires pour nourrir un.e habitant.e sont de 0,16 ha pour un.e végétalien.ne, 0.22 ha pour un.e végétarien.ne, 0.23 ha pour un.e pesco-végétarien.ne (personne végétarienne qui consomme des poissons) et de 0.30 à 0.63 ha pour un.e omnivore(17). Or, pour la Wallonie, l’estimation de la surface disponible pour nourrir un.e habitant.e est de 0.19 ha.(18)

Un modèle d’agriculture qui permettrait de tendre vers plus de sécurité et d’autonomie alimentaires en Wallonie, tout en répondant aux impératifs climatiques, environnementaux et socio-économiques, est un modèle d’agriculture basé sur des pratiques agroécologiques dépourvues d’intrants d’origine animale, ce que proposent les modèles agroécologiques “stock-free farming”.

En optant pour un tel modèle d’agriculture, nous pourrions tendre plus massivement et plus rapidement vers une autonomie alimentaire, tout en préservant la biodiversité. Le maintien de la fertilité des sols et de la biodiversité par l’agriculture seraient compatibles avec un réensauvagement des terres ; les aquifères seraient mieux protégés. De surcroît, la Wallonie ne participerait plus à la cause majeure de déforestation de l’Amazonie.

Impact de la végétalisation de l’assiette en lien avec les enjeux de santé publique

Les Wallon.ne.s seraient aussi en meilleure santé avec une alimentation végétale, via notamment la diminution du surpoids, des maladies cardiovasculaires et des risques de cancer. Une alimentation de qualité serait disponible pour toutes et tous à meilleur coût. 

Et l’éthique au sens large

Les producteurs et productrices wallon.ne.s pourraient être mieux rémunéré.e.s tout en épargnant des millions de vies animales chaque année.

Sources de (1) à (17) disponibles en téléchargeant le plaidoyer

Pour toutes les raisons citées ci-dessus, nous demandons d’avancer vers une végétalisation progressive de l’assiette et de son mode de production, tout en prenant soin de celles et ceux qui la produisent.